Ce qu’il y a de bien dans les conférences internationales archivistiques, c’est que les orateurs invités pour les keynotes speech du début montrent à quel point les archives sont indispensables. Alors on se rengorge, mais c’est vrai. Et l’orateur, c’est pas n’importe qui, celui qui a ouvert ce matin le Congrès du Conseil international des archives (ICA) qui se tient en ce moment-même à Séoul, c’est Ban-Ki-Moon.
Ce qu’il il y a de bien aussi aujourd’hui, c’est que sans être en Corée, on peut suivre les conférences grâce aux collègues qui gazouillent pour nous. Quasiment en direct donc de Séoul, voici les réflexions que l’ONU apporte sur les archives.
Ban-Ki-Moon, représenté par John Hocking (Assistant Secretary General UN) adresse ses félicitations à la communauté archivistique, car « les archives jouent un rôle important pour soutenir la justice et la réconciliation ». Les archivistes sont les conservateurs de l’histoire, dit-il. En préservant le passé, on offre des solutions pour l’avenir.
Son message est le suivant, il est indispensable de documenter les atrocités pour en tirer des leçons. Ainsi, en consultant les archives du Rwanda, on peut comprendre comment et pourquoi les atrocités se sont développées et on peut tenter de prévenir les mêmes en décelant les éléments déclencheurs.
Dans notre nouvelle ère de la justice internationale moderne, les archives sont un outil pour anticiper les atrocités.
Ce qui est nettement moins cool, c’est l’ici et maintenant. C’est que la problématique est sous nos fenêtres, que la loi est ce qu’elle est, que les dossiers documentant les atrocités sont en train d’être produits, des dossiers de réfugiés et de migrants renvoyés des pays d’Europe par exemple, que nous devrons les archiver pour avoir du recul dans cinquante ans, pour que les survivants puissent se reconstruire dans cinquante ans, que nous fassions notre mea culpa dans cinquante ans, mais quelles sont les solutions pour l’avenir puisque nous n’en avons même pas pour le présent ?
Sans parler du cas de conscience citoyen, c’est un des paradoxes de notre profession, et là c’est plus compliqué de continuer à se rengorger.
Mon vélo à fleurs se fait rattraper à un feu rouge par celui d’un ami surgi du passé : on pourrait discuter archives à mon atelier un de ces jours, me demande celui qui est devenu artiste, Laurent Valdès. Une proposition si incongrue ne se refuse pas (tiens mon chignon qui sent la poussière n’est pas rédhibitoire aujourd’hui). Nous voici ainsi quelques jours plus tard, un collègue aussi ami de l’artiste (ci-après SuperCollègue parce que c’est le king des SIP) et moi dans l’atelier en question à découvrir le mythe de la Kowloon Walled City, digne de celui de l’Atlantide sauf que c’est pour de vrai. Nous nous asseyons entre des boîtes Oekopack et des ordinateurs.
La Kowloon Walled City La Kowloon Walled City, c’est une enclave chinoise au centre de Hong Kong encore britannique, une anomalie urbaine labyrinthique de 2,7 hectares développée anarchiquement, quarante mille Chinois vivant dans le quartier le plus dense du monde, un quotidien ordinaire entre fumeries d’opiums, de crack, petites usines, commerces familiaux et maisons closes. Un quartier cousu, recousu et rapiécé où le sol ne connaît plus le mot lumière, une organisation sociale paisible jouxtant les activités criminelles des triades chinoises. Une sorte de protubérance carrée au milieu d’une étendue de bâtiments peu élevés.
La Kowloon Walled City, disparue en 1993. Démolie. Rasée. Il n’en reste qu’un parc. Peu de traces tangibles. Mais des œuvres de fictions, des jeux vidéos, des mondes virtuels, la Kowloon City en alimente depuis lors l’imaginaire collectif.
Comment la disparition physique d’un lieu peut devenir une matrice pour notre imaginaire, tel est l’objet de recherche de Laurent Valdès. Qui de séjours sur place en recherches a réuni des traces documentaires et des œuvres de fiction, une collection sur la Cité disparue, une archive en devenir.
Quand la cotation devient un geste artistique On en arrive à la question pour laquelle SuperCollègue et moi sommes là, fascinés par cette histoire réelle, suspendus aux lèvres de notre copain et tout contents que notre profession nous ait entrainés dans ce chemin de traverse. Quelles sont les caractéristiques matérielles d’un fonds d’archives, qui font qu’un fonds d’archives ressemble à un fonds d’archives ? Car Laurent va proposer une installation artistique de son travail dans une galerie genevoise, la Milkshake Agency, en organisant, classant et ordonnant tous les éléments qu’il a collectés, pour les présenter sous forme d’archive en devenir.
Alors SuperCollègue et moi on parle boutique. On parle étagère, compactus, boîte, inventaire, étiquette. C’est ainsi que la cotation devient un geste artistique. Sous le nom de All We Leave Is A Memory, l’installation est une création artistique à partir de documents collectés qui deviennent des archives, présentée sous forme d’archives. Démarche puissante. Archives dans galerie d’art contemporain:
Immersion dans la réalité virtuelle : Persistent Shadow En parallèle à l’installation All We Leave Is A Memory, Laurent Valdès propose à la galerie Halle Nord une installation qui explore la mémoire de la Kowloon Walled City par un dispositif de réalité virtuelle. Au milieu de la galerie vide, un lac d’encre de Chine pour l’odeur et un carton postal chinois sur lequel est posé un casque.
Je mets le casque, me retrouve dans la même galerie mais cette fois agrémentée d’écrans vidéos, une porte se dessine sur un mur. Je franchis la porte et me retrouve dans l’ombre de la cité disparue, au pied des immeubles recouverts de noir. Dans un jeu vidéo qui n’est pas un jeu, dans une ville qui n’existe plus, le long d’habitations détruites dont les anciens habitants sont encore en vie. Je cours dans les rues, ai un peu le vertige, je commence à paniquer, et si les bulldozers arrivaient, j’arrache le casque, je reviens à Genève. Il n’y a plus de poussière sur mon chignon, il n’y a plus de chignon.
Installations de Laurent Valdès :
All We Leave Is A Memory, Milkshake Agency, du mardi 10 mai au vendredi 17 juin 2016 (exposition en vitrine visible en tout temps, visite sur rdv : all_we_leave@nusquama.ch)..
Persistent Shadow, Halle Nord, du vendredi 20 mai au dimanche 29 mai 2016 (du mardi au dimanche de 14h à 18h).
De retour de Troyes où a eu lieu du 30 mars au premier avril 2016 le deuxième forum de l’association des archivistes français qui a réuni 800 personnes en 3 jours, 90 interventions et autant d’ateliers et de tables rondes sous le titre de « meta/morphoses, les archives bouillons de culture du numérique », je pourrais résumer la brillante et décoiffante conférence d’ouverture de Bruno Bachimont, mais vous en trouverez un ici, et l’exercice n’était pas facile.
Je pourrais rapporter en quelques mots toutes les conférences auxquelles j’ai assisté, les échanges, les relations avec les humanités numériques, l’open data, les plans à 3 à Troyes, les regards augmentés, la longue traîne du web, le retour ad fontes avec le numérique et l’encodage en TEI, le transmedia, les réseaux sociaux parce qu’on le vaut bien, la DS blanche en bas de la photo, le saumon qui remonte la rivière, l’archivologie, les limonades, l’infusion de RM, le web sémantique, l’hybridité, le CIGO, l’ISNI, le RDF et les SIG, mais les Tweetos ont effectué un superboulot et sous le #AAFtroyes16 on peut suivre un fil très complet ; des comptes-rendus sont aussi proposés sur le site du forum.
Je pourrais ouvrir mon cœur pour laisser éclater ces bulles d’émotions pour celles et ceux qui ont organisé splendidement ce forum, m’émerveiller devant une amitié professionnelle à pois avec Céline Guyon, la présidente du comité scientifique et d’organisation, pétiller de mots ce plaisir de rencontres renouvelées et de rencontres nouvelles, mais j’aurais peur d’un peu pleurer.
Je pourrais raconter l’accueil en Champagne et au Champagne, l’andouillette AAAAA, les lunch box d’archives délicieuses, les mots enthousiastes du préfet pour notre profession, l’organisation sans faille, le repas de gala et le madison carré, les défis du geocaching héraldique, mais j’aurais trop envie d’y retourner et de continuer à bouillonner et à me métamorphoser. Je pourrais parler de tout cela mais comme je ne suis pas la seule à pouvoir vivre d’archives et d’eau fraîche, des comptes-rendus fleurissent un peu partout.
Alors en fait je voulais juste partager avec vous une petite réflexion qui m’a perturbée dans le train du retour. On dématérialise, on scanne, on numérise, on réseausocialise, on médationumérise, on linkedatéise et je suis la première à porter avec enthousiasme ces projets. Mais notre objectif doit-il vraiment être de vider nos salles de lectures (pour ceux qui ont la chance d’avoir encore des lecteurs) ? Ce faisant, on donne la chance évidemment à un public du monde entier d’accéder égalitairement à nos sources et ressources, mais cela doit-il se faire au détriment de l’accueil local ? Participons-nous ainsi dans ce monde de l’individualité à briser un peu de lien social ?
Je suis d’accord, le lien social ne relève ni de nos législations ni de nos missions. Mais ne faut-il pas pour autant se poser la question ? Fermer un ou deux jours une salle de lecture qui fonctionne pour donner nos forces à la numérisation (puisque ces forces ne sont pas extensibles) est-il totalement gagnant au niveau humain ? Ou alors faut-il ramener le public in situ par des événements autres, lectures, performances, ateliers ?
Je n’en sais rien, je livre mes questions brutes. Nous devons effectuer des choix stratégiques qui nous appartiennent. Mais je suis convaincue que si nous les professionnels, nous pouvons vivre d’archives et d’eau fraîche, il nous faut accueillir les autres et faire rayonner la finalité de tout cela au-delà du virtuel, dans la vraie vie.
Voici la présentation d’un projet auquel je collabore, un concept d’archives chorégraphiques vivantes et évolutives:
Archiver, valoriser et transmettre un patrimoine de la création chorégraphique contemporaine genevoise à partir du fonds de la chorégraphe Manon Hotte tout en impliquant la relève artistique, les internautes et le grand public dans une dynamique de médiation artistique, culturelle et intergénérationnelle.
Création, semis et palabres est un projet d’archivage artistique, de valorisation et de mise à disposition du fonds de la chorégraphe Manon Hotte, qui constitue un patrimoine de la danse contemporaine genevoise et témoigne du travail spécifique mené avec des professionnels et de très jeunes danseurs. Ce projet développe, en plus d’un archivage traditionnel -et là est toute son originalité- des archives vivantes et évolutives en rendant lisibles des processus de création, tout en impliquant la relève artistique, les internautes et le public. Dans le but de permettre une circulation d’idées et de la matière à créer, ce projet, qui nourrit ainsi l’histoire de la création suisse, s’articule en trois formats : les boîtes à création, les tiroirs à semis et la toile à palabres.
Boîte à création : fonds Manon Hotte
Le fonds est constitué de documents papier et numériques issus d’une trentaine d’œuvres chorégraphiques et projets pédagogiques réalisées au sein de l’Atelier Danse Manon Hotte et de la Cie Virevolte entre 1993 et 2014 à Genève. L’originalité de ce fonds est sa contribution à la connaissance d’une approche artistique qui considère chacun comme porteur de sa propre histoire. L’ordonner et penser son mode de consultation vise à mettre en lumière non seulement les œuvres, mais aussi et surtout les processus de création individuels et collectifs qui ont formé une génération d’artistes genevois grâce à la direction éclairée de la chorégraphe.
Tiroirs à semis : traces de la relève artistique
Afin d’enclencher une dynamique entre les générations d’artistes, Création, semis et palabres, propose de récolter des traces des travaux de jeunes créateurs, qui viendront nourrir le fonds. En confrontant différentes matières à réflexion et à création, ces archives deviennent ainsi vivantes et évolutives.
Toile à palabres : dialogue entre internautes
Le projet propose également une plateforme interactive 2.0 sur le site internet www.manonhotte.ch rendant largement accessible ce patrimoine par une mise en valeur des créations et ouvre le dialogue entre internautes.
Lieu de consultation et public participatif
Les archives sont constituées et conservées au PROJET H107 à Genève, espace ouvert aux résidences, archivages et accompagnements artistiques. Ce lieu permet une circulation privilégiée entre les expériences des artistes professionnels ou en formation et le public. Les archives s’adressent aux artistes, jeunes en formation, chercheurs ainsi qu’à un public large qui a accès à la consultation des archives tout en ayant la possibilité de les nourrir et de les faire évoluer en apportant des témoignages, avis et réflexions qui seront à leur tour mis en consultation.
Pour moi, archiviste d’une institution publique, ce projet est passionnant car ilfait exploser le cadre de l’archivistique traditionnelle et s’inscrit dans une tendance récente, à savoir l’utilisation des archives à des fins de création. Des nouvelles perspectives s’ouvrent ainsi à nous, professionnels, qui nous devons d’aller à la rencontre d’un nouveau public et de nouveaux usages. Dans ce projet, les archives ne sont plus en fin du cycle de vie documentaire mais le point de départ d’une démarche artistique.
Il s’agit d’une double chance : d’une part pérenniser le trésor que constituent les archives de la chorégraphe Manon Hotte développé dans le cadre de l’ADMH/Cie Virevolte et d’autre part participer à l’évolution des fondements de la discipline archivistique, notamment dans le domaine de la danse. En effet, les fonds d’archives de la danse existants ont généralement deux finalités : remonter une œuvre ou écrire l’histoire d’un chorégraphe. Ici, il s’agit d’archiver des processus de création pour transmettre une manière de faire et permettre la création à partir de là, ce qui est totalement inédit. Ce projet est en cours de réalisation et de financement.
Mais pourquoi ai-je cette chanson de Stromae qui me vient à l’esprit? Je suis à Reykjavik, à la Conférence 2015 de l’ICA et j’assiste à l’assemblée générale de l’association internationale des Archives Francophones (AIAF). Je sais. Le PIAF est à l’ordre du jour. Association d’idées. Et je tweete. Le petit oiseau bleu vole dans ma tête et je discute avec Didier Grange, président du comité de pilotage du Portail depuis 2009.
L’objectif principal du PIAF est de doter la communauté archivistique francophone de ressources utiles à la formation.
Ce portail comporte trois volets principaux :
1) Se former : ce volet est composé de 15 modules destinés à la formation et l’auto-formation. Ces modules couvrent tous les aspects de l’archivistique. C’est la partie la plus utilisée du site. Le module le plus téléchargé est celui consacré à la gestion des documents, par Cynthia Couture. Ce volet contient également un glossaire.
2) Se documenter : ce volet contient une bibliographie, dont la prochaine mise à jour sera en ligne fin 2015. A ma connaissance, le site du PIAF est le seul endroit où l’on peut trouver un tel outil. Cette bibliographie découle entre autre du dépouillement de plusieurs revues professionnelles dont Arbido ou la Gazette des archives. On y trouve également un annuaire qui donne accès aux sites Internet des archives de la Francophonie.
3) E Pro : il s’agit d’un espace de travail collaboratif, sorte de Facebook des archivistes qui permet de créer des groupes de travail et de partager ses propres réalisations. La nouvelle version devrait être mise en ligne en janvier 2016.
De nouveaux modules de formation sont en cours de réalisation : une partie sur l’audiovisuel et une autre sur les cartes et plans, par exemple. Le module 9, numérisation, sera également mis en ligne.
Ce portail est à considérer comme un référentiel en évolution. Le comité de pilotage est composé de 15 personnes. Des contributeurs et rédacteurs fournissent le contenu. Environ 1000 personnes sont inscrites dans la communauté E Pro. En 2016, ce site bénéficiera de nombreuses retouches.
A l’occasion de son assemblée générale qui aura lieu le 10 septembre prochain à Porrentruy (Jura), l’association des archivistes suisses (AAS) dévoile son nouveau site web. Ce site intègre une plateforme d’échange pour la communauté archivistique suisse.
Fruit de réflexions intenses d’un groupe de travail plus ou moins informel, cette plateforme d’échange, tadaaaaaa, est baptisée Traces. Pourquoi ce nom et quel est l’objectif de cette plateforme?
Laisser une trace
Un document d’archive, une trace, un témoignage du passé et un ancrage dans le présent. Nous, humains, avons tellement besoin de traces, d’en laisser, d’en (re)trouver, d’imaginer et de construire à partir de ces traces, peut-être aujourd’hui plus que jamais. Nous, archivistes, avons pour mission de les conserver mais aussi d’assurer la traçabilité à venir des données actuelles. Les traces sous toutes leurs formes, voilà l’objet de cette plateforme. Les archives d’hier, d’aujourd’hui et de demain et toute la palette de leurs fonctions.
Objectif de cette plateforme
Sous forme de blog, Traces permet de s’exprimer, demander, partager, discuter, débattre, commenter, présenter et favoriser l’échange entre les membres du réseau AAS. Chaque membre peut publier sur Traces.
Un GovJam est un évènement -un sprint de l’innovation autour du secteur public- qui dure 48 heures et qui a pour but de délivrer un résultat sur un thème livré le jour même (en 2014, le thème était « la confiance – (T)RUST »). Cet événement a lieu en parallèle dans le monde entier.
Les objectifs sont de tester de nouveaux outils de design thinking, de décloisonner l’administration et de l’ouvrir sur la cité, d’illustrer la valeur des méthodes de design de services, d’identifier les énergies positives et de donner une image moderne de l’administration. Défi supplémentaire : démontrer que tous ces objectifs peuvent être réalisés sur 3 jours. Un GovJam est ouvert à tous les collaborateurs d’une administration, aux citoyens et à toute personne motivée.
A Genève, cet évènement s’est déroulé dans la cour de l’Hôtel de Ville, sous l’impulsion de la Chancellerie d’Etat, du département de la sécurité et de l’économie (DSE) et de Think Services – joli contraste entre le lieu historique et l’objectif résolument tourné vers l’innovation. Les participants sont accueillis au fil de l’eau (il n’y a pas d’obligation de rester les trois jours de suite), et mélangés.
A 15h le premier jour, le thème est dévoilé. Mais pas question de le diffuser sur les réseaux sociaux, le secret est requis jusqu’à ce que l’événement soit déclenché sur tous les fuseaux horaires. Il s’agissait de sortir de la zone de confort, nous sommes sortis de la zone de confort : le thème est un pictogramme.
4 groupes se forment ensuite pour la partie « idéation », autrement dit « production d’idées».
Les trois idées les plus prometteuses de chaque groupe sont retenues, puis restituées en plénière. Par exemple : « Savoir-Recevoir » : mettre à disposition un toolkit pour les espaces d’accueil. Les idées sont ensuite concrétisées à l’aide de boîtes (service boxes).
(photo @patgen)
A la fin du 3e jour, l’événement se termine à Genève par la présentation de deux réalisations des GovJammers :
On a beau lutter, rien n’y fait, notre image est poussiéreuse et à chignon. On se pose plein de questions. Changer de vocabulaire? Quand on remonte la chaîne documentaire pour aller dans la vie, la vraie, là où l’histoire c’est le présent, là où l’histoire est en devenir et non à écrire, on côtoie tout plein de gens formidables à qui on s’efforce de faire comprendre que le salut passe par la gouvernance de l’information, et on se heurte à notre désignation. Archiviste. Alors quoi, transformer le mot ? Records manager? gestionnaire de l’information? Colorier avec des pinceaux couleur glamour les différentes nuances de notre profession ? Est-ce que cela va changer quelque chose ?
C’est finalement sur l’ensemble du cycle de vie du document que nous avons un défaut d’image et que nous en souffrons (ou pas). La preuve par les Journées des archives de Louvain, lors desquelles un jeune collègue exprimait sa douleur relative à l’image de la barbe de l’archiviste qui pousse au rythme des années de fonction.
Je ne suis pas sûre qu’on arrive à changer le mot. Mais. Et le message, si on allait le refaire?
Jeunes (tout le monde est jeune, dans la tête) et enthousiastes, bien dans nos baskets et nos talons, nous approprier le message, le discours, les missions, les absorber et les transmettre avec nos mots, notre enthousiasme et nos convictions (les miennes sont ici).
Je sais, on le fait déjà, mais si on tentait cela en étant conscient de cette réappropriation ?
Oui je sais aussi, nous ne sommes pas au centre du monde, et si on l’oublie, Frédéric Sardet est là pour nous le rappeler (à coup de Chokotoff s’il le faut). Mais notre petit bout de monde, pourquoi pas le rendre un peu poétique parfois ?
C’était un petit coup de cœur à l’occasion de l’anniversaire des trois ans de ce blog.
Un hackathon est un événement de deux jours sous forme de workshop lors duquel des développeurs informatiques collaborent avec des chercheurs autour de projets d’applications informatiques.
Le premier Hackathon culturel suisse a eu lieu à la Bibliothèque nationale à Berne les 27 et 28 février 2015, organisé par le groupe detravail OpenGLAM (openglam.ch) en collaboration avec la Bibliothèque nationale suisse etd’autres institutions, dont infoclio.ch (GLAM est l’acronyme de Galleries, libraries, Archives and Museums).
Il a réuni une centaine de personnes,chercheurs, acteurs culturels, archivistes, bibliothécaires, programmeurs et wikipédienspour travailler avec des données du monde de la culture. Ces données sont par exemple des inventaires d’archives ou des collections de photos (collections de photos de la Ville de Zurich, inventaire des documents diplomatiques suisses-Dodis, collection de photos du musée historique de Bâle, Journal de Genève numérisé, etc.), des procès-verbaux de gouvernements cantonaux ou les images numérisées des Conventions de Genève, téléchargeables ici.
Mais que peuvent bien faire cent geekettes et geeks pendant deux jours avec des données culturelles?
Après une brève présentation des jeux de données, les participants qui viennent avec une idée précise l’exposent en
plénière : médiation numérique en milieu muséal, lier des images à un lieu (tourisme), outil qui aide à traduire des documents d’archives, import de données dans Wikidata, etc.
Une pause, pendant laquelle chacun se rallie à un projet, puis les groupes se constituent et commencent à travailler. En parallèle ont lieu des ateliers sur le linked open data, Wikidata…
Voici quelques exemples de résultats :
· Géoréférencement de cartes historiques de la Suisse provenant de la collection Marcel Zumstein, et superposition sur la
carte actuelle : http://klokan.github.io/openglambern/
· Une performance artistique : deux acteurs dans un dialogue avec des mots tirés des jeux de données, dont une partie
« itinéraire poétique à travers les monuments classés »
· Importation de la collection de photos de la Ville de Zurich dans Wikimedia commons : ajouter des métadonnées, des
mots-clés (nom d’un église par exemple) et le nom du photographe. La présence d’une archiviste (Archives fédérales) avait tout son sens pour le choix des métadonnées, la description des photos et l’orientation dans la collection de photos : http://make.opendata.ch/wiki/project:historical_views_of_zurich_data_upload
· Enrichir des articles de Wikipedia avec les photos de la publication “Zürich 1799: Eine Stadt erlebt den Krieg”, publiée
par la Ville de Zurich sous la licence CC-BY-SA-3.0 : http://make.opendata.ch/wiki/project:zuerich_1799
· Développement d’un petit outil qui récupère les catégorie de Wikimedia Commons afin que les GLAM puissent les utiliser pour indexer leurs documents, par exemple des collections de photos..
En plus détaillé, voici le projet auquel j’ai participé :
· Documentsdiplomatiques suisses et presse genevoise, 1914
Ce projet utilise deux jeux de données : les documents diplomatiques suisses et le Journal de Genève (quotidien genevois aujourd’hui disparu, dont la collection numérisée est disponible en ligne). L’objectif est de connecter des articles de presse du Journal de Genève (quotidien genevois numérisé en ligne) et un échantillon de la collection des Documents diplomatiques suisses (Dodis). Le principe est d’effectuer une requête dans les descriptions de Dodis (métadonnées) pour rechercher, sur un intervalle de temps précis, ce qui apparaît dans la presse en comparant les occurrences qui se trouvent dans les deux jeux de données. Il sera ainsi possible d’examiner si la presse écrite reflète ce qui se passe au niveau diplomatique. Le projet se concentre sur la période de l’été 1914.
Il s’agit d’épurer les articles du Journal de Genève (enlever tout le bruit, par exemple les termes plus petits que 4 signes). L’épuration est un travail énorme, qui correpond à un pré-process d’indexation du journal. Des comparaisons sont créés sur des vecteurs de petite taille et des paires sont faites entre l’index du mot et l’occurrence de ce mot. Des groupes sémantiques sont ainsi recomposés (thésaurus).
Les difficultés sont techniques, mais pas que. Par exemple, il y a le problème de la masse à traiter : au début, le travail est effectué sur 15 jours de données du journal, puis sur 3 mois. Ou encore, certains documents étaient classifiés à l’époque, donc les décisions dont il est question n’apparaissent pas dans la presse.
La deuxième partie du projet a été de géolocaliser le corpus. Les métadonnées de lieu sont extraites de jeux de données et géoréférencées sur une carte géographique.
En conclusion, je pense qu’il est important que les institutions d’archives mettent à disposition des jeux de données en open data pour ce genre d’événement. J’ai trouvé passionnant de participer et d’observer quels usages peuvent être faits des données culturelles et de travailler avec des développeurs géniaux. Deux jours devant un écran, nourris en intraveineuse à coup de sandwiches au salami et finir les yeux explosés, c’est aussi une expérience à vivre ! Merci infiniment aux organisateurs de ce hackathon culturel. Les résultats de projets, documentés sur la wiki du Hackathon.
Le paradoxe de la carte réside dans le fait qu’elle sert à faire état de territoires découverts et à en découvrir de nouveaux. A notre époque, les nouveaux territoires ne sont plus à découvrir sur la terre mais dans les couches du temps. Aujourd’hui, il est désormais possible de réunir chaque fragment de connaissance pour former une vision globale grâce à la technologie et de synthétiser sur des cartes les connaissances acquises, sur un référentiel unique. Il est ainsi possible d’exploiter mieux les cartes historiques car la géomatique offre les moyens pour ce faire. L’orientation et les différences d’échelles de plans peuvent désormais être confrontées et superposées facilement, ce qui permet de nouvelles interprétations historiques.
La cartographie n’est pas un sujet habituellement traité en archivistique. Lors de la 2e conférence annuelle des archives de l’ICA à Gérone en octobre 2014, nous avons présenté comment les cartes et données historiques genevoises ont été intégrées au système d’information du territoire genevois (SITG). Nous avons souhaité expliquer une démarche illustrée par un exemple d’utilisation différent des sources historiques et d’engagement d’activités archivistiques dans un tel projet.