Par Emmanuel Ducry
Dans le cadre d’une réflexion autour de la mise en place d’un site Facebook institutionnel, nous nous sommes retrouvés confrontés à la question des droits sur les images postées sur Facebook. Nous vous faisons par ici de quelques-unes de nos réflexions.
1. Réseaux sociaux et licences non exclusive
Les réseaux sociaux parlent souvent de “licence non exclusive”, c’est-à-dire qu’ils s’autorisent à l’utiliser les contenus déposés selon les dispositions définies dans les conditions d’utilisation, mais sans enlever le droit d’auteur au propriétaire de l’image.
Celui-ci peut proposer ses images sous licence, ou les céder à une autre entité sous ses propres conditions. La licence non exclusive est une pratique courante dans le monde des réseaux sociaux, mais son application varie d’une plate-forme à l’autre.
Le droit suisse reconnait la pratique est l’usage de ces contrats de licences par lesquels l’utilisateur d’un bien immatériel donne à autrui la totalité ou une partie de la jouissance du bien tout en restant titulaire des droits. Très souvent mentionnés[1], mais non définis dans le code des obligations, ces contrats de licence sont un droit innomé définit par la jurisprudence[2].
2. Facebook et le droit d’auteur de l’utilisateur
Dans le cas de Facebook, sa “déclaration des droits et responsabilités”[3] donne l’information suivante :
Art. 2 – Partage de votre contenu et de vos informations
Le contenu et les informations que vous publiez sur Facebook vous appartiennent, et vous pouvez contrôler la façon dont nous partageons votre contenu, grâce aux paramètres de confidentialité et des applications. En outre :
- Pour le contenu protégé par les droits de propriété intellectuelle, comme les photos ou vidéos (propriété intellectuelle), vous nous donnez spécifiquement la permission suivante, conformément à vos paramètres de confidentialité et des applications : vous nous accordez une licence non-exclusive[4], transférable[5], sous-licenciable[6], sans redevance[7] et mondiale pour l’utilisation des contenus de propriété intellectuelle que vous publiez sur Facebook ou en relation avec Facebook (licence de propriété intellectuelle). Cette licence de propriété intellectuelle se termine lorsque vous supprimez vos contenus de propriété intellectuelle ou votre compte, sauf si votre compte est partagé avec d’autres personnes qui ne l’ont pas supprimé.
- Lorsque vous supprimez votre contenu de propriété intellectuelle, ce contenu est supprimé d’une manière similaire au vidage de corbeille sur un ordinateur. Cependant, vous comprenez que les contenus supprimés peuvent persister dans des copies de sauvegarde pendant un certain temps (mais qu’ils ne sont pas disponibles).
En d’autres termes, l’auteur reste propriétaire de ses images, textes ou vidéos, mais accorde à Facebook le droit de les utiliser gratuitement et comme bon lui semble, y compris céder leurs droits d’utilisation à un tiers contre rémunération. Cependant, une fois les fichiers retirés, la licence non-exclusive prend fin et Facebook ne peut plus les utiliser[8]. Les fichiers peuvent encore rester un certain temps sur les serveurs en attente d’être effacés, mais ne seront plus en ligne ni utilisés par Facebook[9].
3. Utilisation des contenus par Facebook
Facebook donne quelques indications sur la manière dont ces contenus (images, mais aussi textes ou vidéos) pourraient être utilisés.
Il y a tout d’abord la définition que donne l’art. 18 al. 7[10] de la déclaration des droits et responsabilité du mot “utiliser” :
“Par « utiliser » ou « utilisation », nous entendons l’utilisation, l’exécution, la copie, la diffusion ou l’affichage publics, la distribution, la modification, la traduction et la création de travaux dérivés”.
De même, l’article 10 de cette même déclaration précise que :
Art. 10 – À propos des publicités et d’autres contenus commerciaux diffusés par Facebook
Notre objectif est de proposer des publicités, et d’autres contenus commerciaux ou sponsorisés, de façon avantageuse pour nos utilisateurs et nos annonceurs. Pour nous aider à y parvenir, vous acceptez les conditions suivantes :
- Vous nous autorisez à utiliser vos nom, photo de profil, contenu et informations dans le cadre d’un contenu commercial, sponsorisé ou associé (par exemple une marque que vous aimez) que nous diffusons ou améliorons. Cela implique, par exemple, que vous autorisez une entreprise ou une autre entité à nous rémunérer pour afficher votre nom et/ou la photo de votre profil avec votre contenu ou vos informations sans vous verser de dédommagement. Si vous avez sélectionné un public spécifique pour votre contenu ou vos informations, nous respecterons votre choix lors de leur utilisation.
- Nous ne donnons pas votre contenu ou vos informations aux annonceurs sans votre accord.
En résumé, Facebook informe l’utilisateur, qui donne son accord en signant la déclaration des droits. Facebook est donc libre d’utiliser commercialement le contenu mis à disposition par l’utilisateur pour le revendre.
4. Le droit d’auteur et la relation utilisateur à utilisateur sur Facebook
Ces règles définissent les relations qui lient l’utilisateur à l’entreprise Facebook elle-même. Mais quelles sont les règles d’utilisation des contenus entre utilisateurs ? Dans ce cadre, on en revient à une stricte application du droit d’auteur/copyright[11] tel que définis dans les législations nationales et leur application internationale par la convention de Bern de 1971[12].
Il faut donc bien comprendre cette double couche légale en matière de réutilisation des contenus à l’intérieur du réseau social Facebook (comme dans d’autres) :
– La relation utilisateur – Entreprise (ici Facebook), définie par la licence non exclusive
– La relation utilisateur – utilisateur, qui s’exerce dans le cadre du droit d’auteur
– Utiliser des images sur Facebook n’empêche pas l’institution de les utiliser par ailleurs. Facebook s’arroge tous les droits y compris celui de les vendre, mais l’institution conserve ses droits et peut faire de même de son côté en vertu de la licence non exclusive.
– Les contenus placés sous une licence Creative Commons permettant une réutilisation commerciale (telle que la licence CC0[13]) sont tout indiqués pour une publication sur Facebook. Les contenus libérés sur le web selon cette approche ont le mérite d’offrir les mêmes conditions d’utilisation pour les utilisateurs et Facebook.
– Il faut veiller à ne pas poster sur Facebook des contenus sur lesquelles l’institution n’a pas le droit d’auteur En effet, en vertu de sa “politique d’utilisation des données”, Facebook ne sera pas tenu de respecter le droit d’auteur ou un CC-BY exigé par un donateur. Facebook serait en position de revendre les droits en privant leur légitime propriétaire des redevances associées. Celui-ci pourrait alors se retourner contre l’Etat pour leur mise en ligne sur Facebook.
[2] Mercedes Novier, “La propriété intellectuelle en droit international privé suisse”, Genève, Droz, 1996, p. 179 et suivantes (http://goo.gl/o7wJbK consulté le 24 février 2014).
[4] C’est-à-dire que Facebook et l’utilisateur possèdent simultanément les droits sur cet objet. Si la licence était exclusive, seul Facebook posséderait les droits.
[5] Facebook peut transférer les droits d’utilisation de votre contenu à qui il veut.
[6] Facebook peut octroyer une licence d’utilisation de votre contenu à qui il veut.
[7] Facebook ne nous versera aucune redevance.
[8] Facebook avait tenté de transformer ce droit d’utilisation temporaire en une licence perpétuelle en février 2009 avant de faire machine arrière quelques semaines plus tard devant le tollé provoqué.
[9] Un certain nombre de points restent nébuleux, notamment la durée de réutilisation par des tiers des contenus sous licenciés ou vendus par Facebook à des tiers.