Le présent d'hier et de demain

Réflexions sur les archives et surtout l'archivistique à l'ère du numérique (et parfois même un peu de poésie) – Anouk Dunant Gonzenbach

Accueillir des enfants de neuf ans aux Archives, est-ce possible ?

par Anouk Dunant Gonzenbach

A l’invitation du blogue Convergence, j’ai écrit un billet qui fait part d’un retour d’expérience sur des visites de mon institution d’archives adressées à des enfants.

Convergence est le blogue de l’Association des archivistes du Québec. Il a pour objectif d’offrir des renseignements sur la profession et la discipline archivistiques (événements, liens, parutions, etc.), de permettre à la communauté archivistique d’avoir une plateforme dynamique pour aborder certaines questions et de pouvoir partager avec des collègues, espérant ainsi encourager la pratique dans l’esprit d’un débat constructif. Les billets qui le composent expriment l’opinion personnelle de chaque auteur et, par le fait même, ne constituent en aucun cas la position officielle de l’Association des archivistes du Québec. Convergence est le résultat de la fusion des blogues Archivistique, Les archives à l’affiche et Archives au présent.

Alors, une visite pour les enfants, possible?

Les musées proposent des programmes famille, des animations et sont intégrés dans les visites scolaires proposées par les départements de l’instruction publique. Pas les archives. À partir de quel âge est-il possible de sensibiliser les enfants à des documents peu iconographiques ? Je me suis posé la question car :

  • les archives font partie du patrimoine culturel au même titre que les musées
  • c’est peut-être la seule fois que les enfants verront des archives
  • un moyen de semer quelques graines ?
  • je pense nécessaire de montrer à la génération née avec un ordinateur connecté que les sources sont ailleurs que sur le web (participation à l’éducation numérique)
  • il faut faire venir un public différent dans nos institutions

… et ai proposé une visite pour une classe d’enfants de neuf ans (en deux fois, pour ne pas avoir plus de douze enfants à la fois). Ce retour d’expérience est à lire ici.

Communauté de pratique en matière d’archivage numérique: la veille professionnelle

Par Anouk Dunant Gonzenbach

A l’initiative de deux collègues engagés dans l’archivage électronique (quel doux euphémisme), une rencontre a été organisée en Suisse romande dans l’idée de mettre en place une communauté de pratique en matière d’archivage numérique, au sein de laquelle se retrouveraient à titre personnel des personnes qui ont affaire à l’archivage électronique au-delà des frontières de notre monde des archives (bibliothécaires, conservateurs, etc.).

 A quels besoins répond la création d’une telle communauté?

Nous ressentons le besoin de créer des synergies parmi nos projets et d’échanger sur des questions pratiques.

Une quinzaine de participants a répondu présent à cette invitation. Nous sommes pour la majorité actifs dans le domaine depuis une petite dizaine d’années et formés sur le tas, ou plutôt auto-formés. Sommes-nous une génération Winkelried, la prochaine bénéficiant d’une réelle formation et engagée comme e-archivistes?

Les études montrent que pour l’instant, les projets d’archivages électroniques ont été pris en main par des personnes dont le critère dominant est la motivation. Cela correspond aux profils réunis autour de la table.

Pour cette première rencontre, nous avons échangé sur le thème des stratégies personnelles de veille.

Force est de constater que personne n’a réussi à mettre en place une stratégie de veille qui fonctionne, car le temps à disposition n’est pas suffisant. Plus personne n’a le temps d’effectuer de la veille sur le temps de travail, alors elle se fait en dehors. Motivés, je vous dis. La discussion en petits groupes a l’avantage de nous permettre de débriefer entre pairs sur nos difficultés (par exemple, quand tu te mailes un tweet au travail pour le lire plus tard, et que finalement tu te le remailes à la maison pour le lire encore plus tard). Nous ressentons également le même vertige devant la multiplication des sujets: tout d’abord il y a eu uniquement l’archivage électronique, puis la problématique de la gouvernance de l’information, puis l’open data, puis les big data…

 Veille : voici notre liste des principales sources d’information:

 Le web

et tout cela et plus en grande partie par : Twitter (dont les très précieux @archiveilleurs)

Les réseaux sociaux

  • Twitter
  • Linkedin (groupes)

 La littérature professionelle

  • Les ouvrages de références (exemple: Françoise Banat-Berger, Laurent Duplouy, Claude Huc, L’archivage numérique à long terme, les débuts de la maturité?, Direction des Archives de France, 2009.)
  • Les revues généralistes (par exemple www.archimag.com)
  •  Les dossiers spécifiques

Les échanges “sur le terrain”:

  • Les colloques et conférences
  • Les réunions de l’association professionnelles (essentiellement les trajets de train et pauses informelles)
  • Les visites d’autres institutions
  • Les collaboration dans des projets trans-institutionnels
  • Les échanges avec les informaticiens dans nos organisations

Le coaching par des groupes d’experts  (Memoriav (patrimoine audio-visuel) , CECO…)

Les réseaux et association professionnelles

Maintenir une pratique personnelle en informatique : les mains dans le cambouis:

  • A domicile, dans les domaines les plus divers possibles
  • Sur le lieu de travail, mais limité par le dispositif de sécurité.

En conclusion, ou plutôt en point de départ de cette communauté de pratique, elle va certainement se développer et s’élargir.  Formalisée désormais (il faut dire qu’on était déjà tous plus ou moins copains par les efforts traversés dans nos cantons respectifs), cette communauté est un solide appui auquel faire appel en cas de doute, de question ou de besoin d’échange.

Mon institution d’archives sur un réseau social: droit d’utilisation des images par Facebook

Par Emmanuel Ducry

Dans le cadre d’une réflexion autour de la mise en place d’un site Facebook institutionnel, nous nous sommes retrouvés confrontés à la question des droits sur les images postées sur Facebook.  Nous vous faisons par ici de quelques-unes de nos réflexions.

1.    Réseaux sociaux et licences non exclusive

Les réseaux sociaux parlent souvent de “licence non exclusive”, c’est-à-dire qu’ils s’autorisent à l’utiliser les contenus déposés selon les dispositions définies dans les conditions d’utilisation, mais sans enlever le droit d’auteur au propriétaire de l’image.

Celui-ci peut proposer ses images sous licence, ou les céder à une autre entité sous ses propres conditions. La licence non exclusive est une pratique courante dans le monde des réseaux sociaux, mais son application varie d’une plate-forme à l’autre.

Le droit suisse reconnait la pratique est l’usage de ces contrats de licences par lesquels l’utilisateur d’un bien immatériel donne à autrui la totalité ou une partie de la jouissance du bien tout en restant titulaire des droits. Très souvent mentionnés[1], mais non définis dans le code des obligations, ces contrats de licence sont un droit innomé définit par la jurisprudence[2].  

2.    Facebook et le droit d’auteur de l’utilisateur

Dans le cas de Facebook, sa “déclaration des droits et responsabilités”[3] donne l’information suivante :

 Art. 2 – Partage de votre contenu et de vos informations

Le contenu et les informations que vous publiez sur Facebook vous appartiennent, et vous pouvez contrôler la façon dont nous partageons votre contenu, grâce aux paramètres de confidentialité et des applications. En outre :

  1. Pour le contenu protégé par les droits de propriété intellectuelle, comme les photos ou vidéos (propriété intellectuelle), vous nous donnez spécifiquement la permission suivante, conformément à vos paramètres de confidentialité et des applications : vous nous accordez une licence non-exclusive[4], transférable[5], sous-licenciable[6], sans redevance[7] et mondiale pour l’utilisation des contenus de propriété intellectuelle que vous publiez sur Facebook ou en relation avec Facebook (licence de propriété intellectuelle). Cette licence de propriété intellectuelle se termine lorsque vous supprimez vos contenus de propriété intellectuelle ou votre compte, sauf si votre compte est partagé avec d’autres personnes qui ne l’ont pas supprimé.
  2. Lorsque vous supprimez votre contenu de propriété intellectuelle, ce contenu est supprimé d’une manière similaire au vidage de corbeille sur un ordinateur. Cependant, vous comprenez que les contenus supprimés peuvent persister dans des copies de sauvegarde pendant un certain temps (mais qu’ils ne sont pas disponibles).

En d’autres termes, l’auteur reste propriétaire de ses images, textes ou vidéos, mais accorde à Facebook le droit de les utiliser gratuitement et comme bon lui semble, y compris céder leurs droits d’utilisation à un tiers contre rémunération. Cependant, une fois les fichiers retirés, la licence non-exclusive prend fin et Facebook ne peut plus les utiliser[8]. Les fichiers peuvent encore rester un certain temps sur les serveurs en attente d’être effacés, mais ne seront plus en ligne ni utilisés par Facebook[9].

3.    Utilisation des contenus par Facebook

Facebook donne quelques indications sur la manière dont ces contenus (images, mais aussi textes ou vidéos) pourraient être utilisés.

Il y a tout d’abord la définition que donne l’art. 18 al. 7[10] de la déclaration des droits et responsabilité du mot “utiliser” :

 “Par « utiliser » ou « utilisation », nous entendons l’utilisation, l’exécution, la copie, la diffusion ou l’affichage publics, la distribution, la modification, la traduction et la création de travaux dérivés”.

De même, l’article 10 de cette même déclaration précise que :

 Art. 10 – À propos des publicités et d’autres contenus commerciaux diffusés par Facebook

Notre objectif est de proposer des publicités, et d’autres contenus commerciaux ou sponsorisés, de façon avantageuse pour nos utilisateurs et nos annonceurs. Pour nous aider à y parvenir, vous acceptez les conditions suivantes :

  1. Vous nous autorisez à utiliser vos nom, photo de profil, contenu et informations dans le cadre d’un contenu commercial, sponsorisé ou associé (par exemple une marque que vous aimez) que nous diffusons ou améliorons. Cela implique, par exemple, que vous autorisez une entreprise ou une autre entité à nous rémunérer pour afficher votre nom et/ou la photo de votre profil avec votre contenu ou vos informations sans vous verser de dédommagement. Si vous avez sélectionné un public spécifique pour votre contenu ou vos informations, nous respecterons votre choix lors de leur utilisation.
  2. Nous ne donnons pas votre contenu ou vos informations aux annonceurs sans votre accord.

En résumé, Facebook informe l’utilisateur, qui donne son accord en signant la déclaration des droits. Facebook est donc libre d’utiliser commercialement le contenu mis à disposition par l’utilisateur pour le revendre.

 4.    Le droit d’auteur et la relation utilisateur à utilisateur sur Facebook

Ces règles définissent les relations qui lient l’utilisateur à l’entreprise Facebook elle-même. Mais quelles sont les règles d’utilisation des contenus entre utilisateurs ? Dans ce cadre, on en revient à une stricte application du droit d’auteur/copyright[11] tel que définis dans les législations nationales et leur application internationale par la convention de Bern de 1971[12].

Il faut donc bien comprendre cette double couche légale en matière de réutilisation des contenus à l’intérieur du réseau social Facebook (comme dans d’autres) :

 –       La relation utilisateur – Entreprise (ici Facebook), définie par la licence non exclusive

–       La relation utilisateur – utilisateur, qui s’exerce dans le cadre du droit d’auteur

Conclusion

 –       Utiliser des images sur Facebook n’empêche pas l’institution de les utiliser par ailleurs. Facebook s’arroge tous les droits y compris celui de les vendre, mais l’institution conserve ses droits et peut faire de même de son côté en vertu de la licence non exclusive.

 –       Les contenus placés sous une licence Creative Commons permettant une réutilisation commerciale (telle que la licence CC0[13]) sont tout indiqués pour une publication sur Facebook. Les contenus libérés sur le web selon cette approche ont le mérite d’offrir les mêmes conditions d’utilisation pour les utilisateurs et Facebook.

 –      Il faut veiller à ne pas poster sur Facebook des contenus sur lesquelles l’institution  n’a pas le droit d’auteur En effet, en vertu de sa “politique d’utilisation des données”, Facebook ne sera pas tenu de respecter le droit d’auteur ou un CC-BY exigé par un donateur. Facebook serait en position de revendre les droits en privant leur légitime propriétaire des redevances associées. Celui-ci pourrait alors se retourner contre l’Etat pour leur mise en ligne sur Facebook.


[1] Exemple art. 62, al. 3 LDA (http://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19920251/index.html#a10 consulté le 24 février 2014).

[2] Mercedes Novier, “La propriété intellectuelle en droit international privé suisse”, Genève, Droz, 1996, p. 179 et suivantes (http://goo.gl/o7wJbK consulté le 24 février 2014).

[4] C’est-à-dire que Facebook et l’utilisateur possèdent simultanément les droits sur cet objet. Si la licence était exclusive, seul Facebook posséderait les droits.

[5] Facebook peut transférer les droits d’utilisation de votre contenu à qui il veut.

[6] Facebook peut octroyer une licence d’utilisation de votre contenu à qui il veut.

[7] Facebook ne nous versera aucune redevance.

[8] Facebook avait tenté de transformer ce droit d’utilisation temporaire en une licence perpétuelle en février 2009 avant de faire machine arrière quelques semaines plus tard devant le tollé provoqué. 

[9] Un certain nombre de points restent nébuleux, notamment la durée de réutilisation par des tiers des contenus sous licenciés ou vendus par Facebook à des tiers.

Dealing with the past – archives et traitement du passé

par Anouk Dunant Gonzenbach

Voici le compte-rendu de la séance du Forum des archivistes genevois du 20 janvier 2014, rédigé pour la rubrique Comptes rendus de Infoclio.ch.

Elisabeth BAUMGARTNER, avocate spécialisée en droit pénal international et cheffe du projet “Dealing with the past” à la Fondation suisse pour la Paix Swisspeace, a présenté le projet “Dealing with the past”, la notion de traitement du passé, ainsi que le rôle des archives dans de tels processus lors de la séance du Forum des archivistes genevois du 20 janvier 2014. Ce projet est mené en collaboration avec le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et les Archives fédérales suisses (AFS).

Le rôle de “Dealing with the past”
On retrouve dans tous les conflits le problème de l’accès aux archives. Le projet “Dealing with the past” a pour but de soutenir méthodologiquement les organisations actives dans les droits humains qui doivent traiter des archives. “Dealing with the past” apporte un soutien technique aux ONG pour améliorer la qualité de l’archivage effectué et pour la numérisation des documents. Cette fondation aide également les ONG à utiliser les documents dans une perspective de travail de traitement du passé quand il n’y a pas de commission de vérité ou de tribunal mis en place. Elle permet aussi de mettre en relation les ONG et les expertises qui existent, par exemple entre l’Argentine et l’Afrique du Sud. Elle offre son expérience pour aider les ONG à faire des demandes de financement.

Le traitement du passé
Elisabeth Baumgartner introduit ensuite à l’assemblée à la thématique du traitement du passé. Pour reprendre les termes du DFAE, les conflits violents, dictatures et régimes répressifs laissent des traces profondes, dues aux violations massives des droits humains, crimes contre l’humanité, massacres et parfois les génocides qui sont perpétrés. Le traitement du passé, la lutte contre l’impunité, la restauration de l’état de droit et la réhabilitation des victimes sont alors au cœur du processus visant la réhabilitation de ces sociétés et la promotion d’une paix durable. Traiter l’héritage des grosses violations des droits de l’homme est l’un des grands défis que rencontrent les sociétés au terme d’un conflit violent. Les recherches suggèrent qu’il y a un lien entre la capacité de traiter cet héritage et le potentiel à créer une paix durable.

Par traitement du passé, on entend ainsi les divers processus et mécanismes mis en œuvre par une société pour tenter de faire face à des exactions massives commises dans le passé, en vue d’établir les responsabilités, de rendre la justice et de permettre la réconciliation. Parmi ces processus figurent les mécanismes tant judiciaires que non judiciaires, avec le cas échéant une intervention plus ou moins importante de la communauté internationale, des mesures pénales contre des individus, des indemnisations, des enquêtes visant à établir la vérité, une réforme des institutions, des mesures d’épuration ou une combinaison de ces mesures.

Selon le DFAE, le concept de traitement du passé trouve son origine dans “les principes contre l’impunité” développés par Louis Joinet, rapporteur spécial à l’ONU, approuvés en 1997 par la commission des droits de l’homme des Nations Unies qui reconnaissent les droits des victimes et les devoirs des Etats dans la lutte contre l’impunité, lorsque des violations massives des droits humains et du droit humanitaire international ont eu lieu.

Swisspeace et le DFAE ont établi un cadre conceptuel pour synthétiser et visualiser le traitement du passé dans une approche holistique à partir des principes de Louis Joinet. Les principes contre l’impunité prévoient la réalisation d’initiatives combinées assurant la réalisation de ces droits et devoirs dans les quatre domaines suivants: le droit de savoir, le droit aux réparations, la garantie de non répétition et le droit à la justice. Les archives jouent un rôle important dans ces quatre domaines.

Elisabeth Baumgartner nous détaille ensuite ces différents droits:

Le droit de savoir
Il s’agit du droit des victimes et de la société de savoir ce qui s’est passé, d’éviter les manipulations et la récurrence des violations. Les Etat ont l’obligation de préserver leurs archives, ce devoir de mémoire est essentiel. Le droit de savoir est également important pour éviter des manipulations et la répétition des violations. Des commissions de vérité et des commissions d’investigation sont mises en place. L’ONU envoie des commissions d’investigation dans des conflits en cours pour établir des faits le plus vite possible, avant que des témoins ne disparaissent. Mais ces commissions n’ont souvent pas d’accès aux archives, voire même pas d’accès au pays: par exemple en Syrie, la commission travaille à distance, en interrogeant les réfugiés. Les ONG effectuent une collecte d’informations sur la violation des droits de l’homme. Au terme des travaux d’une commission d’investigation, une commission de vérité est mise en place. Les commissions de vérité sont dans la plupart des cas des commissions nationales et ont comme objectif d’amener la société à une réconciliation. Il s’agit d’un objectif ambitieux mais aidant dans le processus de transition vers la démocratie.

Droit à la réparation
Les programmes de réparation se basent sur les rapports des commissions de vérité. La réparation non matérielle a un fort enjeu symbolique ; le rôle des archives est essentiel lors de telles procédures. En effet, les victimes ne reçoivent souvent pas de réparation. Il est alors important dans le processus de traitement du passé qu’un lieu de mémoire témoigne des événements. Par exemple au Pérou, des photos de victimes ont été utilisées pour monter une exposition sur les violations commises pendant le conflit armé. En Croatie, aux Philippines ou en Irlande du Nord, des ONG créent des archives orales, complémentaires aux archives existantes pour donner une voix aux victimes. La Coalition internationale des sites de conscience est un réseau mondial de sites historiques spécifiquement destinés à commémorer les luttes passées pour la justice et à réfléchir à leur héritage contemporain. En rendant visible à travers les sources les violations des droits de l’homme qui se sont produites, cette organisation participe au processus de réparation pour les victimes. Au Chili, le Musée de la mémoire dispose d’un centre d’archives et de documentation qui conserve les archives de la commission de vérité ainsi que des archives privées.

Garantie de non répétition
Les institutions doivent subir des réformes pour éviter que les violations ne recommencent. L’accès aux archives du régime précédent est très important pour la garantie de non répétition. Les agents de sécurité impliqués dans des actes illégaux sont remplacés. Le passé des nouveaux agents est soigneusement examiné et pour ce faire on a recours aux archives. Dans la loi relative aux documents de la Stasi par exemple, il est stipulé que les organes démocratiques peuvent consulter les archives pour vérifier si quelqu’un y est incriminé. Beaucoup d’états ex-communistes utilisent les archives pour cette procédure de filtrage institutionnel (vetting).

Droit à la justice
Le droit à la justice englobe les actions civiles et autre mécanismes de règlement de dispute, les tribunaux nationaux, hybrides, spéciaux et internationaux. Les archives sont évidemment essentielles pour les tribunaux nationaux et internationaux qui jouent un rôle dans la justice transitionnelle et qui identifient ceux qui violé les droits de l’homme.
Selon Elisabeth Baumgartner, les travaux des tribunaux nationaux sont les plus intéressants dans les processus de droit à la justice. Par exemple en Argentine, le processus n’a pas été mis en place sous une pression internationale mais a été poussé dans le pays-même. Depuis la fin de l’amnistie, environ deux cent procédures ont été menées dont celle contre les responsables de l’Opération Condor. Il s’agit là d’un procès contre les plus hauts militaires du régime, basé sur les documents réunis par la commission de vérité, la société civile et les ONG. Ainsi, une documentation fournie a pu être réunie (voir le site Memoria Abierta).

La question des archives
Les archives sont l’objet de plusieurs problématiques. Tout d’abord, la destruction sauvage des documents: dans tous les contextes de transition, lorsque le régime en place comprend qu’il va disparaitre il commence alors à détruire les archives. Les commissions de vérité sont toujours confrontées à ces destructions.

Ensuite, le sort des archives créées par les commissions de vérité et les tribunaux nationaux n’est pas réglé. Ces archives contiennent des informations très importantes pour les victimes, mais lorsque les travaux d’une commission ou d’un tribunal cessent, ces archives sont stockées quelque part et oubliées. Au Sierra Leone et au Liberia par exemple, ces documents très importants ne bénéficient plus de l’expertise d’archiviste et des ressources financières nécessaires pour les conserver. Lorsque l’ONU se retire, c’est le rôle de l’Etat de s’occuper des archives, mais ce n’est évidemment pas une priorité. Parfois ces archives sont versées aux archives nationales, mais ce n’est pas forcément la meilleure solution car les victimes, qui en ont besoin pour obtenir des réparations, y ont difficilement accès car les procédures d’accès aux documents sont trop compliquées.

Des pays tiers, souvent grâce aux universités, offrent leur aide pour rendre accessible des documents. Ainsi une université américaine met en ligne des documents provenant du Paraguay. The National Security Archive (Université Georges Washington) analyse des documents produits par les services secrets américains, documents dont les pays sud-américains ne disposent pas, et les met en ligne. La coopération entre ces divers organismes est très importante et permet d’accéder à davantage de sources.

Certains fonds d’archives constitués par des commissions de vérité sont conservés à l’ONU à New-York, mais il ne semble pas que ce soit une bonne solution. En effet, ces archives deviennent très difficiles d’accès pour les victimes.

Il y a enfin la question des archives des tribunaux internationaux: que deviennent ces archives, qui contiennent les archives sources ainsi que les milliers de documents créés par les travaux de la justice? Qui va avoir le droit d’y accéder ? Les archives des tribunaux internationaux sont généralement transférées à La Haye. Comment connecter les pays avec ces documents, et comment financer leur sauvegarde? L’ONU devrait-il avoir une stratégie à long terme pour ces archives?

Autant de questions soulevées par Elisabeth Baumgartner, qui sont à ce jour sans réponse, et qui ont suscité une discussion nourrie à la fin de sa présentation.

La gouvernance des documents électroniques dans l’administration cantonale genevoise : genèse et mise en œuvre

Voici le résumé de mon article sur la gouvernance des documents électroniques dans l’administration genevoise, qui a paru dans la Revue électronique suisse de sciences de l’information – www.ressi.ch (n. 14, décembre 2013).

Résumé

Les ressources documentaires d’une institution permettent sa bonne gouvernance. Les documents papier sont  adéquatement gérés et conservés dans l’administration cantonale genevoise, mais les processus de travail changent profondément : les projets de cyberadministration se multiplient et les documents électroniques sont de plus en plus utilisés dans les transactions. Il était donc nécessaire de poser le cadre général d’une bonne gestion des documents électroniques au sein de l’Etat. Première synthèse de ce projet que nous poursuivons, cet article en expose la genèse et les principales étapes. Il présente le document Politique de gouvernance des documents électroniques dans l’administration genevoise, fruit de la collaboration entre les Archives d’Etat de Genève et la Direction générale des systèmes d’information de l’Etat ainsi que les grands axes de la gestion des documents électroniques définis par cette Politique. Il fait également le point sur les questions relatives à la valeur probante du document électronique.

Article complet

Médiation numérique en archives

par Anouk Dunant Gonzenbach

Il y a plusieurs mois, le thème de la médiation numérique en bibliothèque était à l’honneur des discussions des forums professionnels et des réseaux sociaux. Qu’en est-il pour les institutions d’archives ? En creusant la question, il me semble que non seulement nous sommes largement concernés par cette question, mais qu’il relève carrément de notre devoir de mettre en place ce genre de chose !

Google permet-il de faire une recherche historique? Est-il encore nécessaire de se rendre aux Archives? Tous les documents des Archives sont-ils accessibles en ligne? Comment se repérer dans un inventaire d’archives? Quels documents sont conservés aux Archives?

Même si on voulait ne s’adresser qu’au monde très pointu des chercheurs expérimentés (mais on est d’accord, hein, ce n’est pas ce que l’on veut) déjà on remarquerait qu’il y aurait moyen de les accompagner sur les outils numériques mieux qu’on ne le fait actuellement.

Donc allons-y, proposons de la médiation numérique. Objectif de l’année (flashback sur janvier 2013). Comment commencer ? Il faut déjà identifier le public-cible. Imaginer un module destiné aux étudiants en histoire dont le séminaire se déroule aux Archives, et un module « public élargi » à l’intention des personnes fréquentant la salle de lecture, pour commencer. Les objectifs ? Présentation des différentes possibilités de recherche, aide pour la préparation d’une session de travail aux archives et pour se repérer dans les différentes institutions d’archives, recherche dans la base de données et consultation optimale des documents numérisés. Nous avons commencé par quelques réflexions sur le module destiné aux étudiants. Par où commencer, ou plutôt sur quelles connaissances préalables des étudiants peut-on s’appuyer ? Nous avons toujours tendance à penser, puisque nous sommes dans notre institution jusqu’au cou, que tout est clair pour tout le monde. Grave erreur à mon avis. On s’y met donc à plusieurs. Le module voit le jour.

Une première partie est consacrée à la présentation de l’institution, brièvement à son histoire, aux missions de l’archiviste ainsi qu’aux principales sources conservées. Confirmation, ce n’était pas clair dès le départ pour tout le monde.

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Passons aux  outils numériques, mais on commence simplement en présentant le site web institutionnel et ses ressources (par exemple les news, les horaires d’ouverture des différents dépôts, un état général des fonds statique). Je le précise tout de suite, on n’est pas encore sur Facebook, les voies de l’administration sont parfois impénétrables.

Puis vient la présentation de la base de données de descriptions de documents (les inventaires, en fait). Nous expliquons que les inventaires sont saisis sur notre base depuis 1986 et qu’il y a assez peu de saisie rétroactive des inventaires papier (manuscrits et tapuscrits). Ainsi, on ne peut pas partir du principe que tous les documents sont décrits dans la base de données. De plus, cette base de données, au départ uniquement utilisée en interne, a été ouverte au public en 2006 ; les descriptions contenant des données personnelles ne sont pas accessibles au public. Il est important aussi de préciser que ce n’est pas parce qu’une description se trouve sur internet que le document ou le dossier est forcément consultable (il faut donc expliquer les bases légales relatives à la consultation des documents).

Ces points posés, on peut maintenant faire une démonstration de la manière d’effectuer une recherche. Et là, difficulté, comment éviter de parler du concept de fonds d’archives ? A ce stade, pas possible de reculer, il faut simplifier le propos et définir le fonds. Ce qui en l’état actuel de nos bases de données est évidement important pour le lecteur ou l’étudiant qui voudra approfondir une recherche (notre base de données permet la recherche par fonds, par thème ou mot-clé et par cote).

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Nous expliquons également comment fonctionne la réservation en ligne d’un document (il est possible de le faire sortir en salle de lecture pour un jour précis mais évidemment pas de l’emprunter).

Ensuite, nous montrons comment consulter les images numérisées en précisant les choix et priorités de numérisation des séries.

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Je passe les autres détails, mais il y a certains points clés sur lesquels nous avons insisté. Je pense que ces messages sont très importants à faire passer :

  • Ce n’est pas parce qu’une recherche dans un base de donnée d’archives ne donne aucun résultat qu’il n’y a pas de documents concernant cette recherche.
  • Ce qui est sur internet est un sous-ensemble de la base de données métiers.
  • Ce n’est pas parce que ce n’est pas sur internet que ça n’existe pas.
  • Seule une petite proportion de nos documents est numérisée.
  • Le contenu des images numérisées ne peut pas être recherché à travers Google (pas – encore- d’OCR sur les images numérisées).

Un retour ? les étudiants prennent même des notes ! Et relèvent l’URL du site institutionnel inscrit en tout gros sur une slide (il faut partir des basiques, c’est décidément certain).

Je pense qu’il y a plusieurs suites à donner à l’évolution de ce genre de projet. Tout d’abord, continuer à faire de la médiation numérique pour le public qui fréquente la salle de lecture. Ensuite faudrait-il peut-être aller à l’Université plus systématiquement dans des séminaires d’histoire, utilisateurs ou non notre institution d’archives. Utiliser et promouvoir le compas d’Infoclio dans le domaine des compétences informationnelles.

Il y a également la question de la médiation numérique en ligne. Là, nous sommes en train de préparer une ébullition de méninges à ce sujet dans la région des archivistes du grand Genève (!), à suivre.

Et puis la question de l’ouverture des archives à d’autres publics. Nos outils sont orientés métier, et quand il s’agit d’expliquer dans les détails le fonctionnement de notre base de données on se rend bien compte que le contenu n’est pas accessible facilement. Nous adapter ? Essentiel.

Et vous, des expériences de médiation numérique en archives ?

Archiviste : pourquoi j’aime ma profession

par Anouk Dunant Gonzenbach

J’ai essayé l’autre jour de formuler pourquoi après 12 ans d’expérience la profession d’archiviste me plaît – toujours- autant. Il faut dire qu’après tout ce temps, il y a encore beaucoup d’amis qui ont du mal à comprendre. Pas très glamour, ce qu’on fait ? Je livre ici le résultat de cette petite réflexion, en quatre mots-clés. Alors, pourquoi ?

Tout d’abord par émerveillement. A l’Université, j’ai eu la chance de choisir des séminaires d’histoire qui avaient lieu aux Archives cantonales. Je crois que c’est là que j’ai succombé à l’attrait de ces documents qui ont traversé les siècles. Un séminaire de paléographie plus tard, donné par une enseignante formidable qui nous a permis de lire les écritures des 16e et 17e siècles comme si on lisait le journal, j’ai pu me lancer pour mon mémoire dans les sources de l’Eglise de Genève. Déchiffrer la signature de Jean Calvin à côté de l’inscription d’un baptême – ohmondieu, il a tenu en main ce même registre- est quand même juste magique. Oui, souhait de rester proche de ces documents. De les conserver, de les mettre en valeur et de les faire connaître. De casser une certaine image de vieux papiers pleins de poussière dans une cave sombre : venez, les gens, découvrir les chartes médiévales et le contrat d’apprentissage de Jean-Jacques Rousseau. Tout de suite, le respect.

Par défi ensuite. Il y avait tant à faire, déjà avant l’arrivée du numérique. Je pense que ce n’est pas tellement un secret que les archivistes issus d’une licence en histoire se sont formés sur le terrain et que contrairement à nos amis bibliothécaires nous avons été moyennement sensibilisés à la normalisation qu’il y a beaucoup à faire dans une institution d’archives: des politiques à définir, l’adaptation aux normes archivistiques, dont certaines sont relativement récentes, des projets d’indexation à implémenter, des calendriers de conservation et des plans de classement à mettre en place du côté du records management, les mesures de conservation préventive. Est arrivé ensuite le côté geek de la chose avec les possibilités offertes par le numérique : la diffusion des inventaires, la numérisation des sources et leur accès en ligne. Et depuis 3-4 ans, affronter le défi majeur de l’archivage électronique. Cela nous demande d’acquérir de nouvelles connaissances et de nous intégrer dans le monde des informaticiens, ce que je trouve passionnant et très enrichissant. J’aime les projets et c’est un métier qui en propose carrément plus que les ressources disponibles ne permettent de le faire (bon, on les met, ces inventaires, sur la plateforme Opendata de la Confédération ?).

Par conviction. D’abord, les gros doutes. Ce métier est-il utile ? Bien sûr, être archiviste, cela ne fait de mal à personne et c’est sans doute mieux que de travailler pour un fabricant d’armes ; mais ne serait-il pas plus concret de mettre de l’énergie au service de la Croix-Rouge, d’une ONG, de projets de développement durable ? Et puis, la foi: les archives sont indispensables. Elles sont garantes d’un état de droit et peuvent être appelées à justifier les droits des citoyens et des institutions. Ce n’est pas pour rien que les archives sont une menace pour les régimes totalitaires, ce qui est très bien illustré dans cet extrait de 1984 : «Jour par jour, et presque minute par minute, le passé était mis à jour. On pouvait ainsi prouver, avec documents à l’appui, que les prédications faites par le Parti s’étaient trouvées vérifiées.[…] L’Histoire tout entière était un palimpseste gratté et réécrit aussi souvent que c’était nécessaire. […] la plus grande section du Commissariat aux Archives, bien plus grande que celle où travaillait Winston, était simplement composée de gens dont la tâche état de rechercher et rassembler toutes les copies de livres, de journaux et autres documents qui avaient été remplacées et qui devaient être détruites». La Déclaration universelle des archives, adoptée en 2011 par l’Unesco, souligne le rôle essentiel que jouent les archives dans la transparence administrative, la responsabilité démocratique, la protection des droits des citoyens et la construction de la mémoire individuelle et collective. Sans document d’état civil, je ne suis pas un citoyen. Sans le registre foncier, je n’ai pas de bien. Les archives ne sont pas un gadget pour quelques historiens sont vraiment l’un des piliers d’une démocratie. Dans cette optique, les projets d’archivage numérique sont indispensables. En effet, il faut préparer sans erreur possible la conservation de ces documents lorsqu’ils seront entièrement dématérialisés. On ne va pas tomber dans le pathos, non plus, hein, mais là c’est vraiment sérieux.

Pour la diversité. Elle contient mille facettes, cette profession. Il y a le contact avec les chercheurs, que nous orientons dans les fonds pertinents. Les recherches historiques pour répondre aux diverses questions sur l’origine des noms de rue, la biographie d’un savant pas trop connu, un bâtiment, une famille, certaines fois on se prend vraiment pour des détectives du passé. Du mouvement, puisqu’évidemment les lecteurs, qui se sont donnés le mot, viennent tous au même moment avec les pires questions compliquées le jour où le monte-charge est en panne. Le document inédit sur lequel on tombe par hasard. Les journées du patrimoine, lors desquelles les Archives font le plein (ce qui contredit quand-même le mépris du public pour la poussière). Le petit update qu’on s’accorde sur telle période historique qui nous échappe un peu. La fascination pour un fonds non versé que l’on découvre dans une tour de la Cathédrale. La collaboration avec les restaurateurs (vous êtes vraiment sûrs, là, qu’il faut immerger dans le bassin cette feuille manuscrite du 16e siècle ?). L’organisation de forums qui rassemble la communauté professionnelle de la région. Et les réseaux sociaux, hein, on s’y met ? La refonte du site web. La présentation des nouvelles acquisitions de la bibliothèque. L’exposition à monter (de la rédaction des légendes au nettoyage des vitrines). La curiosité n’est pas près d’être rassasiée, et je crois que cet inventaire ne va jamais s’arrêter…

Et puis, en plus de tout cela, une ouverture sur une thématique peut-être plus de société, celle de l’éducation numérique. En tant que professionnels de l’information, je pense que nous avons un rôle à jouer là-dedans (voir le petit cri du cœur précédent ). Non, ce n’est pas parce que ce n’est pas dans Google que ça n’existe pas. Oui, c’est écrit là sur internet, mais ça ne veut pas forcément dire que c’est juste. Les musées rajeunissent leur public, je crois profondément que nous pouvons aussi inscrire la visite d’une institution d’archives dans le programme scolaire au même titre que la visite d’un musée ou d’un Hôtel-de-Ville. Les enfants sont sensibles aux vieux documents, cela vaut la peine de leur montrer où se trouve une partie du savoir.

Pour toutes ces raisons, et bien plus, j’aime ma profession. Même si je ne pense pas que ce soit une vocation, comme a voulu me l’inculquer la directrice qui m’a engagée à l’époque, m’assurant que j’entrais en religion – il faut dire que les réunions de service étaient alors nommées « chapîtres généraux ».

Et, truffe au chocolat sur le gâteau, les archivistes sont très sympa et en majorité passionnés par ce qu’ils font. Et en plus, toujours partants pour partager une bière après l’effort, j’ai pu constater grâce à Twitter que cette caractéristique est largement confirmée. Partager un Orval sur une terrasse de Louvain-la-Neuve, un grand moment.

Citation: George Orwell, 1984, Folio Gallimard, 2001, pp. 62-63.

Outils concrets pour archivistes et RM: le cadre de référence RM

Le cadre de référence Records Management de l’Association des archivistes suisses (AAS)

Le Cadre de référence RM, développé par le groupe Records Management & Archivage définitif de l’Association des Archivistes suisses, revêt la forme d’une boîte à outils (Baukasten RM en allemand) mettant à disposition de la communauté des modèles de documents rédigés par différentes organisations et institutions.

Structuré sur la base de la norme ISO 15489, le site propose une approche théorique en trois parties : la phase d’analyse, la phase de conception et la phase de réalisation. Les processus appartenant à chaque phase sont analysés et décrits.

Le point fort de ce cadre de référence est la mise à disposition de documents produits par différentes institutions cantonales d’archives, par les Archives fédérales suisses et par des entreprises privées. Selon leur objet, ces documents sont rattachés à l’une au l’autre phase de RM. Certains de ces documents ne sont pas publiés et sont donc disponibles uniquement sur ce site, qui réunit ainsi une grande richesse de matériel.

Chaque institution ou organisation est invitée à contribuer à ce Cadre de référence en proposant ses propres documents, par le biais d’un formulaire.

http://www.vsa-aas.org/fr/aktivitaet/gt-records-management/rm-baukasten/

Métadonnées intégrées aux images numérisées, partie 3: les conditions d’utilisation des images

par Xavier Ciana, Emmanuel Ducry et Anouk Dunant Gonzenbach

Parmi les métadonnées internes aux images se trouve notamment un certain nombre de champs (IPTC ou XMP) relatifs aux conditions d’utilisation, à savoir le droit d’utilisation qui est mis sur les images. Il faut signaler que techniquement, quel que soit le champ utilisé pour signaler des conditions d’utilisation, il n’est pas compliqué de retirer ou de modifier les métadonnées d’une image. Une métadonnée n’est donc en aucun cas une mesure technique entravant l’utilisation, la copie ou encore un filigrane numérique (watermark). Les métadonnées ne sont pas un outil destiné à limiter l’utilisation mais un moyen d’informer le public sur le statut légal d’une image.

1)    Les outils à disposition sont les suivants:

Le Copyright  
Le Copyright, souvent indiqué par le symbole ©, est dans les pays de common law (droit commun) l’ensemble des prérogatives exclusives dont dispose une personne physique ou morale sur une œuvre de l’esprit originale. Il désigne donc un ensemble de lois, en application notamment dans les pays du Commonwealth des Nations et aux États-Unis, qui diffère du droit d’auteur appliqué dans les pays de droit civil (tels que la France ou la Belgique). Bien que les deux corpus de lois tendent à se rejoindre sur la forme grâce à l’harmonisation internationale opérée par la convention de Berne, ils diffèrent notablement sur le fond. Le copyright relève plus d’une logique économique et accorde un droit moral restreint, là où le droit d’auteur assure un droit moral fort en s’appuyant sur le lien entre l’auteur et son œuvre.
Comme cet article concerne les images d’une institution conservant des fonds relevant du domaine public, nous n’aborderons pas plus avant dans cet article la notion du Copyright.

•    Les licences Creatives Commons
Le Creative Commons (CC) est une organisation à but non lucratif dont le but est de proposer une solution alternative légale aux personnes souhaitant libérer leurs œuvres des droits de propriété intellectuelle standards de leur pays, jugés trop restrictifs. L’organisation a créé plusieurs licences, connues sous le nom de licences Creative Commons (définition Wikipedia ).
Placer une image ou une œuvre sous l’égide d’une licence Creative Commons nécessite de disposer des droits liés à celle-ci. Une institution conservant des images sur lesquelles elle ne dispose pas du droit d’auteur ne pourra pas recourir à cette solution.
Si l’on ne veut pas d’utilisation commerciale des images, il est alors possible de recourir aux Creative Commons pour définir à l’aide de quelques options très simples la solution désirée. CC-BY-NC implique par exemple de citer la source de l’image et de ne pas en faire d’utilisation commerciale. CC-BY-SA-NC revient au même, si ce n’est que l’on ajoute le devoir de partager l’image sous les mêmes conditions même en cas de transformation.

•    La Public Domain Mark
La Public Domain Mark  est un instrument de signalisation, créé par Creative Commons, pour « étiqueter » le domaine public en ligne. Elle a été conçue spécifiquement pour permettre aux institutions culturelles d’indiquer clairement à leurs usagers qu’une œuvre qu’elles diffusent appartient au domaine public. La marque du domaine public certifie ce statut juridique et permet donc aux internautes de réutiliser les œuvres numérisées librement en ce qui concerne le droit d’auteur et les droits voisins, y compris à des fins commerciales. Attention toutefois, la Public Domain Mark ne s’applique qu’à l’œuvre et pas à ses métadonnées. De plus, elle n’implique en rien l’absence de droits autres qui viendraient encapsuler le domaine public, tel que le droit des bases de données, ou des clauses contractuelles dans le cas d’un partenariat public-privé. La Public Domain Mark est par exemple utilisée par la Bibliothèque Sainte-Geneviève pour diffuser ses collections en version numérique sur le web, par l’Université de Clermont-Ferrand pour certains de ses fonds, ou la plate-forme MediHAL du CNRS où elle est proposée comme option aux chercheurs .

•    La licence Creatives Commons zéro (CC0)
La Creative Commons Zéro (CC0)  est un instrument développé par Creative Commons pour permettre aux titulaires de droits sur un objet de renoncer à leurs prérogatives pour le verser volontairement au domaine public et en autoriser la réutilisation sans aucune restriction. CC0 n’a pas été conçu à l’origine pour la diffusion d’œuvres numérisées qui appartiendraient déjà au domaine public. Il s’agissait plutôt de donner un moyen aux créateurs pour placer leurs œuvres par anticipation dans le domaine public de leur vivant, sans attendre l’expiration des droits. Les institutions culturelles peuvent aussi se tourner vers cet instrument pour la diffusion du domaine public numérisé.  C’est par exemple ce que fait le Rijksmuseum d’Amsterdam. Ce dernier dispose en effet d’un espace sur son site, intitulé le Rijksstudio, sur lequel il propose plus de 125 000 chef-d’œuvres numérisés, en incitant explicitement les visiteurs à les réutiliser à leur propres fins. La licence CC0 a quelques avantages sur la Public Mark Domain. Elle peut s’appliquer aux métadonnées qui accompagnent l’œuvre. En outre, sa formulation fait qu’en renonçant à “tous les droits”, l’institution renonce donc à ces droits, tel que le droit des bases de données, qui vient parfois encapsuler le domaine public. On s’assure ainsi que l’image est effectivement libre de tous droits. Elle peut être récupérée à n’importe quelle fin, y compris commerciale. Cette option permet donc une diffusion large des images. On peut l’assortir de recommandations (code de bonne conduite, Fair Use) telles que : citer la source, de pas utiliser les images de manière offensive ou obscène, à l’exemple du  RijksMuseum  (voir en bas “Fair Use”).

2)    Quelle protection mettre sur nos images? Nos réflexions
Une institution qui diffuse des images numérisées en ligne doit en premier lieu définir sa politique d’accès aux images. Dans le cas présent, l’approche visait à répondre à deux objectifs pragmatiques :

–    faciliter l’utilisation des images par le grand public
–    limiter le travail administratif pour l’institution

Du point de vue juridique, en Suisse, les lois, ordonnances et autres actes officiels, décisions, procès-verbaux et rapports émanant des autorités ou des administrations publiques ne sont pas protégés, car ils sont destinées à être publiées (Loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins, LDA, du 9 octobre 1992, source: Thomas Fischer, avocat, MLaw, Conférence à l’intention des archivistes sur les droits d’auteur, mai 2012).  On ne peut donc pas mettre de Copyright ou poser par défaut des mentions restrictives de l’utilisation des images de ces documents.

Du point de vue philosophique, pour les images qui ne sont pas concernées par la législation ci-dessus, la question est la suivante: faut-il empêcher toute forme de réutilisation, y compris des réutilisations légitimes, et tenter de restreindre les droits, ou au contraire laisser une utilisation libre ? La question sous-tendue est: faut-il accepter que l’on puisse faire de l’argent avec des images / données publiques?
Dans notre cas concret, à savoir la mise en ligne d’images conservées dans une institution publique cantonale d’archives, empêcher toute forme de réutilisation est trop restrictif à notre sens car cela bloque par exemple les usages pédagogiques et de recherche et cela interdit également de reprendre les images pour illustrer un document, un blog ou un site. Cela est également un peu vain car en général les institutions publiques ne disposent pas des moyens nécessaires pour vérifier si les limitations sont respectées. De plus, dans le cadre de notre projet, les images sont mises en ligne pour des raisons de rapidité d’accès en format JPEG, ce qui limite la qualité d’impression et les possibilités de publication (ouvrages, affiches). L’argument de ne pas vendre des informations qui ont été financées par les impôts a également été retenu. Il est encore nécessaire de préciser que dans le cas de ces projets, il s’agit essentiellement de documents textuels, que nous ne conservons que peu d’œuvres d’art et qu’il n’y a plus de droits sur les gravures du 18ème siècle, par exemple.

La solution Creatives Commons:
Les Creatives Commons nous ont paru intéressantes par leur définition claire et accessible des droits des utilisateurs. Une approche cynique pourrait consister à dire que recourir au Creatives Commons revient à reconnaître son incapacité à faire respecter un copyright et à poursuivre les infractions en justice. Les Creatives Commons semblent toutefois bien acceptées et respectées, peut-être parce qu’elles répondent de manière relativement adaptée aux besoins des internautes

La solution Public Domain Mark et Licence CC0
Désireux d’aller jusqu’au bout de nos objectifs de facilité d’usage et de gestion, nous avons souhaité placer nos images dans le domaine public. Deux licences Creatives Commons ont particulièrement retenu notre attention : La Public Domain Mark et la Licence CCO.
Se tourner vers ces licences implique cependant d’accepter une utilisation commerciale des images par des tiers. A nouveau, il est de toute manière  difficile de vérifier si les usages et réutilisations par le public respectent les limitations fixées. De plus, le service au public ainsi que la publicité entraînée pour l’institution par une large diffusion et utilisation des images sont un avantage certain. La réutilisation des images à des fins commerciales ne les empêchent pas de rester gratuitement disponibles au public sur leur serveur d’origine.

3)    Choix d’une licence
Une stricte application des licences aurait voulu que nous appliquions la Public Domain Mark pour les images d’objets déjà dans le domaine public et la licence CC0 pour ceux sur lesquels subsistaient des droits que nous possédions et que nous désirions libérer. Dans un soucis de simplicité, nous avons de décidé de mettre ces deux catégories de documents sous la Licence CC0. Ce choix vise à simplifier l’utilisation des images pour les internautes et à simplifier également nos processus. Se poser la question de l’application de la Public Domain Mark ou de la Licence CC0 à la création de chaque image n’est pas possible dans le cadre de processus largement automatisés. Cette solution provoque certes une redondance pour les documents qui appartiennent déjà au domaine public mais permet de libérer les autres documents. A l’inverse, signaler des documents non libres de droits comme étant dans le domaine public aurait été erroné.

Au final nous aurions voulu pouvoir indiquer à nos utilisateurs que l’ensemble de nos images étaient libre de droits et placées sous une licence unique (CC0). Toutefois, si la très grande majorité des images mises en ligne par nos soins peuvent être placées sous cette licence, quelques séries et documents isolés devront faire exceptions. Le recours au copyright ou à des licences Creatives Commons plus restrictives sera nécessaire au cas par cas.

Ainsi, comme il n’est pas possible de définir une licence unique au niveau du site pour l’ensemble des images, l’utilisation du champ IPTC “conditions d’utilisation” permet de lever le doute et d’informer l’utilisateur des conditions d’utilisation précises d’une image parmi d’autres.

Conclusion
Il reste finalement à informer le public de l’existence du champ IPTC dont la connaissance reste confinée aux professionnels du domaine. Les internautes n’ayant pas forcément le réflexe de consulter ce champ, il sera nécessaire de rédiger également une information générale sur le site internet.

Les indications relatives au droit d’usage des images seront également complétées par quelques recommandations générales n’ayant aucune force obligatoire, telles  que la mention du nom de l’institution, la manière de citer la référence ou le fait de ne pas utiliser ces images de manière inappropriée.

Les choix effectués ici ne sont pas définitifs et le débat reste ouvert. Un tel choix peut être éventuellement remis en cause par une décision juridique ou politique ultérieure. Nous nous proposons de rédiger un prochain billet sur le retour d’expérience pour compléter cette série sur les métadonnées.  

Références

Pour ceux qui seraient intéressé à pousser plus loin, nous renvoyons au

Archivistes, battons-nous pour conserver les dossiers personnels!

Par Anouk Dunant Gonzenbach

A l’heure de la tendance à vouloir détruire les données personnelles au nom de la protection de la vie privée, voici une petite réflexion sur le sujet.

Actuellement, la Suisse présente ses excuses officielles aux personnes qui ont été, enfants, enlevées à leur famille et placées de force dans des institutions ou des familles d’accueil entre la fin du 19e siècle et 1980. Ce placement se désigne aujourd’hui par le terme d’“enfances volées” . Ces enfants ont vécu de foyers en familles d’accueil dans des conditions le plus souvent terribles et leur enfance leur a été volée. Une exposition itinérante retrace cette histoire

Dans le cadre de cette exposition a eu lieu à Genève une table ronde sur intitulée “Sur les traces de son enfance”, axée sur l’importance de l’accès à son histoire et soulevant les questions suivantes: quelles mémoires interroger? Pourquoi se souvenir de son passé? Cet événement a réuni Jean-Louis Claude, un ancien enfant placé, Dr Dora Knauer, médecin-adjoint au service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent des hôpitaux universitaires de Genève, Olivier Baud, secrétaire général de la fondation officielle de la jeunesse, Chantal Renevey Fry, archiviste du département de l’instruction publique, de la culture et du sport et Gérard Bagnoud, archiviste du pouvoir judiciaire.

Jean-Louis Claude a témoigné de sa longue quête pour reconstruire, à travers les documents d’archives, les parties de son enfance qui lui manquaient. Les archivistes ont présenté les sources disponibles et le rôle de l’archiviste. Un des points capital à retenir pour nous est l’importance de l’accueil réservé aux personnes qui viennent consulter leurs propres dossiers aux archives après un  parcours écorché. Soyons humains et pas fonctionnaires obtus, professionnels, et surtout entourons-nous d’un professionnel (assistant social par exemple) qui recevra la personne dans une salle ad hoc pour ne pas qu’elle soit confrontée à des événements douloureux au milieu d’une salle de lecture publique.

Mais surtout, je voulais ici mettre en avant le point de vue du Dr Knauer, qui affirme que l’accès à ses dossiers est essentiel pour une personne qui veut reconstruire les parties manquantes de sa vie, notamment de son enfance. Ce processus de reconstruction, indispensable, doit être rendu possible. Les dossiers personnels doivent donc absolument être conservés.

Il faut vraiment faire comprendre à ceux qui mettent la protection des données en première priorité que le versement de documents dans les institutions d’archives protège ces documents d’une consultation inadéquate puisque leur accès est régi par des délais légaux. Une fois versés aux archives, ces données sont protégées mais conservées. Conservons donc les dossiers personnels, pour que les personnes concernées aient la possibilité d’y avoir accès!