Par Anouk Dunant Gonzenbach
En 2022, l’association des archivistes suisses (AAS) fête son 100ème anniversaire. Plusieurs activités sont prévues pour marquer le coup. Et parmi ces activités, Archive on tour : une boîte d’archive qui doit traverser pendant un an les 26 cantons et le Liechtenstein, de Berne à Berne, et qui au fil de son périple se remplira de contenu laissé à l’imagination des institutions d’archives de chaque canton.
Je l’avoue d’emblée, j’étais un peu sceptique sur le concept. Mais pas longtemps. Comme si j’avais pu oublier la créativité et la fantaisie des archivistes ou leur côté facétieux et taquin. Cette boîte part à la mi-février des Archives fédérales pour se rendre en Valais et là, les choses commencent à mousser : reportages sur la télé locale Canal 9 et à la RTS (télévision suisse romande – voir le reportage du 12:45 ici), articles de journaux, relais dans les différentes communes valaisannes, il se passe un truc, ami.e.s archivistes !
Genève est le deuxième canton à accueillir cette boîte. Le forum des archivistes genevois avait lancé un appel à ses membres et mis à disposition un document partagé contenant un planning libre que chaque institution peut compléter. Il faut le rappeler, Genève possède sur son territoire un nombre pharaonique d’archives et d’archivistes au mètre carré, notamment par la présence des archives des organisations internationales et des ONG (voir la carte ici). Et l’agenda de la boîte se remplit, on se demande même un moment s’il y aura assez de demi-journées dans sa semaine de présence ici pour répondre à toutes les demandes.
Le lundi 21 février, Alain Dubois, archiviste cantonal du Valais, amène la boîte aux Archives d’Etat de Genève.
Le mardi 22 février un pic-nic d’archivistes s’organise à la Treille. En Suisse, à cette date et depuis 5 jours, les masques sont tombés (sauf dans les transports publics et les établissements médicaux), tout comme le télétravail et l’usage du pass sanitaire. Et là, à cette table de la vieille ville, sur cette promenade historique de la Treille, un moment magique survient : le soleil est là, les archivistes se retrouvent, et nous réalisons alors que c’est la première fois que nous nous réunissons à nouveau, les plaisanteries fusent (private joke à @souslapoussiere), on trinque un coup et c’est un spontané moment de bonheur et de joie que nous vivons.
La boîte passe des Archives d’Etat au Forum des archivistes, puis du Forum des archivistes aux Archives de la fondation Pictet, sous la statue ad hoc. Une lettre de Thomas Jefferson à Marc-Auguste Pictet datée du 5 février 1803 y prend place (coup de chapeau, un fac-similé d’une qualité incroyable).
Elle part ensuite aux hôpitaux universitaires genevois (HUG) à vélo. Le mercredi, tout un photoshooting est organisé; un dossier médical archivé prend place dans la boîte (un faux, bien sûr):
Le jeudi, à bord d’un deuxième vélo, elle rejoint le CICR. La boîte y côtoie de lointaines cousines de Tachkent et de Jérusalem, se repose un coup dans les rayons, visite quelques dossiers virtuels du nouveau système de records management du CICR et des photos des riches fonds audiovisuels (lien à ne pas manquer, ce fonds en ligne est un trésor) puis reçoit une copie du premier procès-verbal du comité de secours aux blessés qui deviendra la Croix-Rouge, signé par Henry Dunant le 17 février 1863.
Dans le quartier des organisations internationales, elle se rend à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), au milieu des archives relatives à l’éradication de la variole:
Puis au Conseil oecuménique des Eglises (COE) où elle se balade sur un chariot dans la salle de lecture.
Puis elle transplane pour se rendre à Collonge-Bellerive participer à un projet de gestion documentaire avec le service informatique transversal des communes genevoises. A Genève, on ne recule devant rien! La boîte a désormais son petit nom, Archie, et un grand sourire.
La boîte part ensuite à l’Hospice général qui dépose son logo et un historique de cette institution.
Le jeudi soir, elle se déplace aux Archives contestataires, à bord d’un nouveau vélo. Elle reçoit notamment une copie d’archive syndicale relative au SARCEM, une société de microtechnique (production d’automates à bobiner) basée à Meyrin: le 2 juin 1976, les travailleuses et travailleurs de SARCEM décident d’occuper leur usine pour empêcher la saisie des machines dans le contexte d’une faillite au sujet de laquelle ils nourrissent de gros doutes. L’occupation durera quatre mois, quatre mois d’une intense activité de mobilisation auteur de leur lutte et de vives tensions avec la Fédération des travailleurs de la métallurgie et de l’horlogerie.
Le vendredi, elle fait un petit tour à la haute école de gestion, filière information documentaire (HEG_id). Le lundi, elle s’y trouve encore au milieu de l’Archilab avec les étudiant.es:
Ce même jour, la passation de la boîte entre la HEG et l’archiviste des Transports publics genevois (TPG) se fait au soleil:
Aux TPG, qui fêtent les 160 ans de la ligne de tram 12, la première ligne de tramways d’Europe (et qui est encore en activité!), elle voyage à bord d’un tram historique et du tram rose de Pipilotti Rist. Les TPG ont mis le paquet à l’occasion de Archive on tour. La boîte s’enrichit d’une collection d’anciens billets de bus. Les images sont disponibles sur le post LinkedIn de Cynthia Schneider.
Ici, on est très fièr.es de la mobilité douce de la boîte. Qui passe ensuite aux Archives de la Ville de Genève:
La boîte s’arrête un coup dans le parc des Bastions, puis reçoit une photo sur laquelle on voit Lise Girardin, la première femme en Suisse conseillère administrative et maire d’une grande ville, en 1967.
Mardi matin, elle remonte la colline pour revenir aux Archives d’Etat, d’abord solennellement aux Canons, puis plus récréativement chez le Père Glozu.
Et c’est la fin du tour genevois. En fin d’après-midi le mardi, la boîte quitte le canton à vélo. On se retrouve à Morges pour la passation:
J’en remets une, parce qu’on est trop fières, avec Delphine Friedmann, la directrice des archives cantonales vaudoises, de notre rencontre ici, et on aura fait durer le suspens (allions-nous manger un papet? nous retrouver sur les bords de la Versoix?). Et surtout, c’est l’histoire d’une belle amitié, comme on en a le secret dans notre profession.
Y’a même La Télé locale qui est présente (sur la photo, on voit les billets de bus des TPG). On reste une heure avec elle et avec Acacio Calisto, qui a accompagné Delphine. La jeune journaliste nous lance, en repartant: « ça fait du bien de rencontrer des gens enthousiastes! ». Le lien du reportage est ici.
Pour en savoir plus et pour suivre la suite, n’hésitez pas à visiter Twitter, Facebook et Insta en suivant #archivCH et #archiveontour.
Et surtout, ce que Archive on tour nous permet, c’est de nous retrouver, et de s’émerveiller devant ces amitiés archivistiques, cette amitié archivistique à travers le monde et ce même engagement qui nous lie. J’aime ma profession, et je remets le lien sur le billet que j’avais écrit en 2013 et auquel j’adhère toujours davantage: Archiviste, pourquoi j’aime ma profession.
1er mars 2022